A 6 jours de l'échéance donnée par ma mère, je sombre dans un gouffre. J'ai pourtant plus confiance qu'avant dans ce que j'écris, même si mes craintes quant à une éventuelle publication s'accentuent d'années en années.
Ce n'est pas l'appréhension de l'édition qui me met dans cet état nauséeux, ni le doute quant au talent (je ne pourrai jamais me prononcer là dessus de toute façon), c'est mon avenir qui me terrifie de plus en plus.
Chaque journée qui passe me serre un peu plus le ventre. Cette année j'entre en L3 de psychologie, les cours vont se spécialiser, il va falloir faire des choix, faire un stage. Il va surtout falloir faire un choix qui va orienter le reste de ma vie : mon changement de filière. La psychologie qui au début semblait me correspondre parfaitement, me paraît maintenant incroyablement loin de moi. Les cours pourtant intéressants me font fuir. Je suis obligée de trouver quelque chose d'autre...
Choisir un métier, une filière, qui de toute façon ne me correspondra pas. J'ai l'impression de choisir un mur pour foncer dedans, en regardant lequel me fera le moins de mal. Le seul endroit où il n'y a pas de mur est impossible d'accès.
Pourquoi n'ai-je pas voulu faire des études scientifiques, être ingénieur, journaliste, prof ?! Pourquoi mon cerveau et mon cœur s'obstinent-ils à m'orienter vers la seule chose qui est inaccessible ?!
Me voilà à 2 h du matin en train de regarder des sites qui me désolent, braillant de tout côté que vivre de l'écriture est impossible. Je regarde aussi quels métiers pourraient me correspondre, et sens une peur du vide incontrôlable me prendre au corps. Je finis par me dire que je ferai mieux de ne pas être là, que tout ça n'est pas fait pour moi. Si la vie, c'est se prendre la tête pour son avenir, avoir peur en permanence, alors autant ne pas la vivre. J'aurai aimé être différente, être n'importe qui, sauf celle que je suis. J'aurai aimé ne pas avoir à supporter les pensées qui m'assaillent, simplement les mettre de côté.
Chaque jour, chaque année est un combat. Je me doute que c'est la même chose pour beaucoup, mais je ne comprends pas pourquoi je n'arrive pas à supporter tout ça. Pourquoi je n'arrive pas à remonter la pente et tombe de plus en plus vers le fond du gouffre ? Pourquoi je reste à regarder le soleil tout en haut au lieu de m'écorcher les mains sur les parois, essayer de saisir ma chance...
A la fin du mois d'aout, j'enverrai pour la première fois mon manuscrit. Peut-être que ce pas en avant me fera oublier l'ultimatum quant à mes études, peut-être qu'il m'aidera dans mes choix, ou au contraire me plongera d'autant plus dans le noir...
En tout cas, merci à celle qui m'a toujours aidée, une main tendue, à laquelle je peux m'agripper pour tenter de remonter ne serait-ce que quelques mètres...